Fontainebleau 2022 : MURANGO Champion de CL1-5 ans
Un Hollandais volant, une fille d'Ogrion comme meilleure jument de sa génération, et une cousine de l'internationale Gips de Canteloup née en Normandie : le podium de ce championnat illustre parfaitement la diversité des chevaux rencontrés sur le circuit Cycle Libre et de leurs cavaliers/propriétaires. Trois histoires riches d'émotion où la passion tient une place prépondérante.
Champion 2022 : Murango, de Durango à Fontainebleau
Sarah Sirou représente l'archétype de l'utilisatrice du circuit Cycle Libre de la SHF. Cavalière amateure, elle monte en poney-club depuis l'âge de 6 ans et attendu ses vingt-et-un ans pour s'offrir enfin son premier cheval. Alors quand elle a entendu le speaker annoncer qu'elle et son Murango étaient les nouveaux champions Cycle Libre 1ère année 5 ans, ce fut une très belle surprise. Partons à la rencontre de ce nouveau couple.
MURANGO & Sarah Sirou - Crédits photos : PSV Photos
Titulaire d'une licence en imagerie médicale, Sarah travaille au sein d'un cabinet de radiologie situé dans les Hauts-de-France. Mais c'est en Picardie et plus précisément dans l'Oise qu'elle pratique l'équitation. "J'ai longtemps monté une heure par semaine dans une première écurie, puis j'ai pris une demi-pension dans une autre où je montais trois fois par semaine. J'ai ensuite changé pour le Haras de Senots où je suis mise à la recherche d'un cheval" raconte la jeune femme. Son coach Antoine Lemonnier lui conseillait d'opter pour un cheval d'expérience, mais elle tenait à trouver un jeune. "Il suit beaucoup les ventes aux enchères et il avait déjà repéré Murango" dit-elle. "Quelques temps plus tard, il l'a revu chez Jérôme Hurel, toujours à vendre. Il est parti l'essayer". Débourré en juin 2021, mais encore vert, le hongre KWPN n'avait alors disputé aucune épreuve. "J'ai vu une vidéo où il sautait en liberté et il montrait de gros moyens" se souvient-elle. Sarah l'essaya parmi d'autres chevaux et déjà l'entente se mettait en place. "Il était froid dans sa tête, je me sentais bien dessus, j'ai juste sauté trois obstacles". La visite vétérinaire acquise, l'affaire fut conclue !
MURANGO & Sarah Sirou - Crédits photos : PSV Photos
Du sang
Si sa décision fut prise rapidement, Sarah fut assaillie de doutes dès l'arrivée de son premier cheval aux écuries. "Je me suis beaucoup interrogée car il était très calme. Or, j'aime le sang." Au fil des mois, Murango se muscla et Sarah apprit à le connaître, si bien qu'ils se lancèrent sur le circuit Cycle Libre avec plutôt du succès. "Il ne s'est jamais arrêté, toujours très respectueux. Même s'il n'aime pas le travail à la maison et notamment sur le plat où il se montre froid, il adore sauter" avoue-t-elle. Le couple ne fit aucune warm-up l'hiver et entama la saison directement sur les épreuves SHF où il enchaîne les sans faute. Arrivés à Fontainebleau, le stress retombe. "Nous étions qualifiés donc l'objectif était vraiment de s'amuser. C'était l'aboutissement de la saison, notre but était atteint, tout le reste était du bonus, je voulais profiter du moment". Et quel bonus ! Le premier jour, Murango signe un sans faute et surtout, obtient les excellentes notes de 17 et 17 grâce à son style démonstratif. "Je l'ai senti différent des autres fois" reconnaît Sarah. Le deuxième jour, son coach Antoine Lemonnier lui dit de s'amuser tout en terminant sans faute. "J'avais un peu plus de pression lorsque je suis entrée en piste en dernier. Je devais absolument faire sans faute. J'étais plus stressée et je l'ai mis davantage en difficulté mais nous nous connaissons très bien, il m'a pardonné mes erreurs". Ce titre de champion a quelque peu remis en question les plans de sa propriétaire. "Je pensais le vendre cet hiver mais j'ai changé d'avis. J'envisage de le sortir en Cycle Libre 2ème année 6 ans l'an prochain et de viser à nouveau Fontainebleau. Nous ne connaissons pas ses limites mais nous ne voulons pas griller les étapes, nous aviserons au fur et à mesure." Sarah rêve de disputer une épreuve à 1,30m au moins une fois dans sa vie...et espère secrètement que ce sera avec lui.
MURANGO & Sarah Sirou - Crédits photos : SHF
Harendele de Rechimas, jument d'amateur par excellence
Vice-championne de Cycle Libre 1ère année 5 ans, Harendele de Rechimas est aussi la meilleure jument de sa génération. Montée par Audrey Hucher, cette fille du regretté Ogrion des Champs née dans la Haute-Loire (au lieu-dit 'Rechimas') représente l'archétype du cheval de Cycle Libre, né, élevé et formé par des amateurs pour le plaisir du sport.
HARENDELE DE RECHIMAS & Audrey Hucher - Crédit photos : PSV Photos
Cavalier depuis son plus jeune âge, Julien Pays est ce que l'on appelle un amateur, un vrai. Doté de quatre boxes à la maison et d'une vingtaine d'hectares d'herbages, il a la chance de pouvoir vivre sa passion au quotidien avec la compagne Audrey Hucher. Naisseur de Harendele, Julien a néanmoins eu la galanterie de laisser les rênes à cette dernière sous l’œil averti de leur coach Bertrand Bougault installé dans le département voisin de la Loire. Comme le dit la chanson populaire, Julien descend de la montagne à cheval...! "Le concours le plus proche se situe à une heure de route. Ce n'est pas toujours simple mais il y a globalement pas mal de Cycle Libre dans la région" dit-il. Cela faisait des années qu'il n'avait pas mis un pied au Grand Parquet pour les finales SHF. "La mère de Harendele, Opale des Bruyères, sf (Troupier, sf), a elle-même disputé les finales Cycle Libre en 2008 lorsqu'elle avait 6 ans avant d'évoluer en Amateur Elite déjà sous la selle d'Audrey" raconte-t-il. Quant à lui en tant que cavalier, Julien n'a pas revu Fontainebleau...depuis 2010 et sa belle 8ème place associé à Quick Star de Bas, sf (Verdi, sf). "Nous valorisons essentiellement les produits nés chez nous à l'affixe 'de Rechimas', issus de nos anciennes juments de concours. Celle de Harendele est une grande jument faîte en mère. Elle avait des difficultés à prendre, nous avons donc choisi de l'adresser à un étalon en semence fraîche disponible chez Pierre Vallette cette année-là, Ogrion des Champs (Kannan)." Débourrée à 3 ans par leurs soins, Harendele a intégré le piquet d'Audrey, seule à l'avoir montée à ce jour. "C'est une jument très amateur, gentille, qui a progressé à chacune de ses sorties, très bien dans sa tête" explique Julien. Ravis de ce croisement, le couple voulut remettre Opale à Ogrion, décédé entre-temps, mais celle-ci n'a malheureusement pas pris, laissant Harendele comme seul produit. "Courir sur le terrain du Grand Parquet reste un peu le Graal pour les cavaliers" admet celui qui travaille dans les salaisons. "Nous avons hâte de le retrouver l'an prochain pour la finale Cycle Libre 2ème année 6 ans. C'est un circuit sympa pour faire évoluer les chevaux avec des parcours intéressants." Très demandée en sortie de piste, Harendele ne quittera pour le moment pas ses naisseurs-propriétaires. "On nous a même demandé des embryons !" s'étonne Julien. Le marché s'intéresserait-il désormais aussi aux bons chevaux d'amateur...?
HARENDELE DE RECHIMAS & Audrey Hucher - Crédit photos : PSV Photos
Hitec de Canteloup, taillée dans le gypse
Comme beaucoup de naisseurs dont un produit participait à la finale Cycle Libre, Elvine Perrier savoure particulièrement cette 3e place. Mais si elle élève avec son mari depuis 1993, elle est toujours restée amateure. Infirmière libérale, Elvine est ce que l'on appelle dans le jargon une "pluriactive", comprenez une personne dont l'élevage est une activité secondaire. On pourrait ajouter que c'est aussi une passion prioritaire pour ces normands installés près de Villers-Bocage, aux confins du Calvados. "Je me souviens que les gens se moquaient de nous quand on présentait l'arrière grand-mère de Hitec en concours d'élevage, elle ne ressemblait à rien" se souvient-elle. En effet, Quoquine était une anglo-arabe très près du sang par Unicol'Or, née en Charente chez Henri Carême, pas tout à fait dans les canons des juments normandes. Et pourtant... Quoquine fut une très bonne poulinière. "Elle appartenait à une amie parisienne. Quand la jument a eu des soucis de santé, elle me l'a confiée à l'élevage" dit-elle. Dès son premier produit, Quoquine gagne ses galons de mère de champions : Gips de Canteloup (Socrate de Chivré) se qualifie pour Fontainebleau à 5 et 6 ans, puis réalise une très belle carrière sous la selle de Delphine Perez récompensée par un ISO 172. Deux ans plus tard naquit Ialta de Canteloup (Muguet du Manoir) qui, unie à Kannan, donna Sonatede Canteloup, ISO 120, mère de Hitec, 3ème génération de gagnants née chez les Perrier.
HITEC DE CANTELOUP & Maurane Mouette - Crédits photos : PSV Photos
"Nous faisons naître un ou deux foals par an maximum, sauf certaines années où nous travaillons en partenariat avec Frédéric Lavoine, de l'élevage des Flagues, ce qui nous permet de monter à quatre" explique Elvine. Si en général, les produits sont vendus, le couple a décidé de conserver Hitec à l'élevage pour prendre la suite de sa mère, décédée prématurément de coliques. "C'est une super jument, avec de gros moyens, elle est souvent 50cm au-dessus des barres. Heureusement elle commence à se montrer raisonnable" s'amuse son éleveuse. Pour canaliser la fougue de la fille de Candy de Nantuel, Elvine a misé sur...sa voisine du dessus ! "Je connais Maurane (Mouette, ndlr) depuis qu'elle est toute petite. Elle travaille chez un cavalier professionnel comme soigneuse et cavalière maison" explique-t-elle. Stationnée chez eux deux semaines sur quatre, Hitec de Canteloup part deux semaines par mois travailler chez Benjamin Devulder. "Nous avons commencé la saison très tard, début juillet. Elle a aligné les sans faute sauf à Périers (!) où Maurane a fait une volte parce qu'elle cherchait le n°5" raconte-t-elle amusée. "Candy a apporté beaucoup de souplesse à ma souche un peu rigide" ajoute-t-elle. Bien qu'elle ait reçu des propositions, Elvine conserve Hitec à l'élevage sous la selle de sa jeune cavalière où elle prendra la relève de sa mère Sonatede Canteloup, disparue trois jours avant la Grande Semaine. Un passage de flambeau réussi à n'en pas douter.
HITEC DE CANTELOUP & Maurane Mouette - Crédits photos : PSV Photos